
Les réseaux lumières : l’essentiel à savoir sur les protocoles
Si tu travailles dans le spectacle vivant, tu as sûrement déjà croisé des réseaux lumières sur des installations plus ou moins complexes. Aujourd’hui, on ne se contente plus de tirer uniquement du DMX classique : les systèmes modernes reposent sur des protocoles réseaux plus puissants, plus souples et mieux adaptés aux grandes configurations.
Dans cet article, je te propose de faire le point sur les protocoles réseaux essentiels en éclairage scénique : les protocoles ouverts tels le sACN et l’Art-Net, mais aussi ceux propriétaires comme le MA-Net, le HogNet ou encore le Net3, qu’on retrouve sur les consoles professionnelles. Tu découvriras leurs usages, leurs avantages, et comment les intégrer efficacement dans un réseau lumière.
Pourquoi utiliser des réseaux lumières dans le spectacle vivant ?
Aujourd’hui, les projecteurs sont de plus en plus gourmands en adresses DMX, et les plans de feu de plus en plus fournis. Pour piloter tout ça efficacement, tu ne peux plus te contenter de simples câbles DMX allant de la console aux projecteurs. C’est là qu’interviennent les réseaux lumières, une solution souple, rapide et évolutive.
Plus de flexibilité
Avec un réseau, tu peux envoyer plusieurs univers DMX en un seul câble Ethernet, ce qui te fait gagner du temps et de l’espace, tout en évitant les kilomètres de câblage. Tu peux aussi intégrer des nodes un peu partout sur le plateau ou en régie, et répartir le signal selon les besoins réels du plan de feu.
Une meilleure gestion des systèmes complexes
Sur les gros événements, tu dois souvent gérer des dizaines, voire des centaines de projecteurs asservis, des dalles LED, etc. Un réseau lumière permet de transporter tous ces signaux de manière plus fluide, sans saturer ta ligne. Et même de prioriser certaines données (comme avec le sACN).
Contrôle à distance et diagnostics facilités
En passant par des réseaux lumières, tu peux accéder aux équipements à distance, diagnostiquer une panne, changer une adresse IP ou relancer un node sans quitter ta console. Certains protocoles permettent aussi de récupérer des infos sur l’état des machines et de superviser ton réseau en temps réel.
L’avenir, c’est aujourd’hui
Ce que beaucoup dans le métier voient encore comme une évolution lointaine est en fait déjà une norme ! Travailler en réseau, c’est aussi te préparer à ce qui se fait aujourd’hui sur la majorité des plateaux pros, des festivals, des théâtres équipés ou des tournées internationales. Les consoles modernes comme grandMA, EOS, Hog, Chamsys ou Avolites intègrent toutes des solutions de réseaux lumières puissants. Pour évoluer dans ce métier, autant apprendre à t’en servir dès maintenant.
sACN et Art-Net : les deux protocoles réseaux à connaître absolument
Quand tu commences à travailler en réseau lumière, il y a deux protocoles que tu dois maîtriser en priorité : l’Art-Net et le sACN.
Pourquoi ? Parce qu’il s’agit de protocoles standards ouverts. Ce n’est pas de l’open source, mais ils sont utilisables sans licence spécifique : il suffit simplement d’avoir du matériel compatible. Le deuxième intérêt est qu’on les retrouve désormais partout : du petit théâtre jusqu’aux plus gros festivals.
L’Art-Net
Développé par Artistic Licence, l’Art-Net fonctionne par broadcast et permet de gérer jusqu’à 32 768 univers avec la version 4 du protocole.
Il existe un Art-Net primaire et un secondaire qui se configure chacun d’une manière différente.
Le primaire : adresse : 2.X.X.X
sous-réseau : 255.0.0.0
Le secondaire : adresse : 10.X.X.X
sous-réseau : 255.0.0.0
Pourquoi deux variantes ? Parce que certains appareils n’étaient pas compatibles avec la primaire. C’est tout de même celle qui reste la plus répandue et que je te conseille d’utiliser par défaut.
Particularité des univers DMX en Art-Net
L’Art-Net a une petite particularité lorsque tu chercheras à identifier les univers DMX.
Le premier univers commencera à 0 pour ce protocole. Le deuxième sera donc le 1, le troisième le 2 et ainsi de suite.
C’est un piège à ne pas oublier lorsque tu utilises ce protocole et qui t’évitera bien des soucis !
Le sACN
le sACN, ou Streaming ACN (aussi de son petit nom, norme E1.31) est une création plus moderne, standardisée par l’ESTA (Entertainment Services and Technology Association). Il transmet le signal en multicast et peut gérer jusqu’à 63 999 univers, de manière plus intelligente.
Contrairement à l’Art-Net, le sACN n’a pas besoin de fonctionner sur des plages d’adresses précises. Ce qui le rend beaucoup plus pratique et “plug-and-play”.
Il existe tout de même une standardisation, invitant les utilisateurs à commencer leurs adressés par 10.0.X.X ou 192.168.X.X et leurs sous réseaux par 255.255.0.0, mais rien d’obligatoire.
Cela vient de son fonctionnement en multicast, qui rend disponibles les univers DMX à des adresses spécifiques :
- Univers 1 : 239.255.0.1
- Univers 2 : 239.255.0.2
- etc
À la charge des nodes d’aller ensuite récupérer ces informations en fonction de l’univers sur lequel ils sont configurés. Ce fonctionnement permet donc de moins surcharger le réseau, car l’Art-Net, lui, bombarde constamment tous les univers à toutes les adresses du réseau.
En pratique : lequel utiliser ?
Pour imager un peu plus la différence entre ces deux protocoles, tu peux te les représenter comme cela :
- L’Art-Net, c’est le prospectus que tout le monde reçoit dans sa boîte aux lettres. Seulement certains seront intéressés pour le lire.
- Le sACN c’est de l’affichage public, disponible pour tous, mais seuls ceux intéressés vont aller chercher et noter les informations.
Et à l’instar du prospectus, “l’écologie” d’un réseau est impactée de la même manière. Là où ils vont encombrer les poubelles et demandent plus de main d’œuvre, l’Art-Net est similaire. Il demande plus de ressources au réseau et peut l’amener à saturer sur des trop grosses configurations ou avec du matériel peu performant. Attention, il n’est pas pour autant mauvais, mais il atteindra plus vite ses limites (il faut tout de même le faire pour atteindre les plus de 32 000 univers).
L’idéal serait donc d’utiliser le sACN non ? La réponse est oui. Mais en pratique, ce qui va réellement te limiter, ce sera le matériel à ta disposition.
Les consoles actuelles sont toutes capables de communiquer sur ces deux protocoles. Mais les nodes ne sont pas forcément tous compatibles. Certains ne peuvent fonctionner que sous Art-Net, et d’autres sous sACN.
C’est donc bien souvent ce paramètre qui va te restreindre et t’obliger à utiliser un protocole en particulier.
Les protocoles propriétaires : qu’apporte-t-il de plus ?
En travaillant avec des consoles professionnelles comme grandMA, Hog, ou EOS, tu vas vite croiser des protocoles comme le MA-Net, le HogNet, ou le Net3 de ETC. On les appelle protocoles propriétaires parce qu’ils sont développés par chaque constructeur et ne fonctionnent qu’avec leur matériel.
Mais alors, pourquoi ne pas tout faire avec le sACN ou l’Art-Net si ces consoles le gèrent également ? Justement, parce que ces protocoles propriétaires apportent des fonctions que les protocoles ouverts ne gèrent pas.
Un réseau sur mesure pour chaque marque
Les protocoles propriétaires sont conçus spécifiquement pour faire communiquer les équipements d’un même constructeur : consoles, nodes, splitter, visualiseur … et ils échangent bien plus que des informations DMX.
Avec les protocoles propriétaires, tu obtiens notamment :
- La reconnaissance automatique : les appareils du même fabricant sont automatiquement reconnus sur le réseau, ce qui permet de les synchroniser rapidement. Réduisant donc grandement le temps de configuration.
- La synchronisation : si deux consoles sont synchronisées sur un réseau, une modification effectuée sur la console 1 sera automatiquement reportée sur la console 2. Cela permet notamment à plusieurs utilisateurs de travailler sur un même show simultanément.
- Le backup : en cas de panne de la console maître, passage sur une console esclave sans impact sur le show.
- L’ouverture de paramètre : beaucoup de fabricants limitent le nombre de paramètres DMX contrôlables en fonction des appareils de leurs gammes que tu utilises. C’est via leurs réseaux propriétaires qu’ils identifient ces appareils et ouvrent de nouveaux paramètres.
Et bien évidemment, tu peux faire communiquer des informations DMX à travers ces réseaux. Il y a également une foule d’autres informations qui communiquent avec ces protocoles, mais étant fermés et cryptés, il est dur de lister précisément tout ce qu’il se passe.
Ces protocoles, sont-ils compatibles avec ceux ouverts ?
Bien sûr, la plupart des consoles pros savent aussi émettre ou recevoir du sACN ou de l’Art-Net en parallèle de leur protocole propriétaire…
C’est même très souvent utilisé comme cela : le réseau propriétaire d’un côté pour interfacer les différents appareils. De l’autre, on communique le DMX aux projecteurs et matériels tiers via un protocole ouvert.
Quel matériel faut-il pour réaliser un réseau lumière ?
Mettre en place un réseau lumière n’est pas forcément compliqué, mais il te faut un minimum de matériel adapté. Voici ce que tu dois prévoir :
1. Des câbles Ethernet (CAT5e ou CAT6)

C’est la base pour relier tous tes appareils. Utilise de préférence des câbles CAT6 blindés, plus résistants et fiables sur les longues distances. Ainsi que des connecteurs etherCON, plus sécurisés.
Les câbles RJ45 classiques utilisés en informatique peuvent suffire pour des petites configs, mais attention à leur fragilité si tu les installes sur scène.
2. Un switch réseau

C’est le “hub” qui permet à tous les appareils de se parler. Pour de petites installations, un switch non manageable peut suffire. Mais si tu veux un contrôle plus précis (VLAN, config réseau) un switch manageable est recommandé. Certaines marques proposent même des modèles adaptés à l’événementiel, comme Luminex ou Netgear. L’option PoE peut être également intéressante en fonction des nodes que tu utilises.
3. Des nodes DMX

Les nodes permettent de convertir le signal réseau (Art-Net ou sACN) en signal DMX classique. Selon le modèle, ils peuvent offrir 1, 2, 4, 8 ou 16 sorties DMX. Certains peuvent aussi faire l’inverse (DMX vers réseau) afin de, par exemple, permettre à une console ne sortant que du DMX de pouvoir piloter l’installation. Choisis-les selon le protocole que tu utilises, et vérifie bien leur compatibilité.
4. Une console compatible réseau

Toutes les consoles modernes (grandMA, Hog, EOS, Chamsys, etc.) sont capables d’envoyer de l’Art-Net ou du sACN. Étant le centre névralgique pour piloter tes projecteurs, la console est indispensable.
5. (Optionnel) Un ordinateur et un logiciel de monitoring

Ce n’est pas obligatoire, mais avoir un PC avec un logiciel comme sACNView ou ArtNet view peut être intéressant pour les grandes installations. Mais il est en général aussi possible d’effectuer ce monitoring depuis les consoles lumières.
Conclusion
Les protocoles réseaux sont devenus la norme dans les installations lumières modernes. Que tu sois en tournée, sur un festival ou en fixe dans un théâtre, savoir mettre en place des réseaux lumières est maintenant obligatoire pour évoluer professionnellement en tant que régisseur lumière.
Et dans tous ces protocoles, il n’y en a pas un à connaître plus que les autres. C’est comme les langues : plus tu en connais, plus tu sauras te débrouiller, peu importe où tu vas.
Bien évidemment, il ne faut pas pour autant laisser de côté le DMX : Le but de ces protocoles est de les faire cohabiter et de permettre des configurations plus fluides et pratiques. Alors n’oublie pas de maîtriser ces bases-là également !
Tu peut d’ailleurs retrouver ici mes articles « Le protocole DMX : comment ça marche ? » et « Le câblage du DMX : Les règles à connaître« .
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