Les gélatines et les diffuseurs
Les gélatines et les diffuseurs sont des feuilles souples, transparentes et résistantes à la chaleur. Communément appeler filtre, on les place devant les projecteurs afin d’en changer la couleur et/ou de diffuser le faisceau lumineux.
Un peu d’histoire !
Les gélatines, vous vous en doutez, n’ont pas grand-chose à voir avec l’ingrédient culinaire du même nom…. Et pourtant, il existe une corrélation ! Les photographes, avant l’arrivée des appareils numériques, installaient des filtres à l’avant de leurs appareils. Ceux-ci pouvaient être en résine, verre, ou encore… en gélatine ! Ceux-ci étaient bien utiles, car ils coloraient la lumière sans trop la diffracter. Malheureusement, ils étaient trop sensibles à la chaleur pour être utilisés avec des projecteurs. Il a fallu attendre 1960-1970 avec le développement d’une matière similaire à base de polyester pour que l’application arrive jusqu’au monde du spectacle. Jusque-là, on utilisait des filtres en verre, fragiles et dangereux. Le terme de “Gélatines” est par la suite resté, car très semblable aux filtres utilisés en photographie.
Les leaders mondiaux dans la production et la vente de gélatine restent les mêmes depuis ces années-là : d’abord ROSCO, marque américaine, et quelques années plus tard LEE filters, marque britannique.
Et alors en France, qu’est-ce qu’on utilise ?
Ces deux fabricants sont également les plus présents en France. Cela pour une raison simple : il possède les plus grandes bibliothèques de référence. Ils assurent aussi une régularité et une constance reconnue dans leurs productions. De plus, tous les fabricants ayant leurs propres numérotations. Il est bien plus facile de travailler si nous parlons tous de la même chose. Puisqu’il existe des centaines de références, il serait fastidieux de connaître les équivalences de trop nombreux fabricants… Dans toutes les salles françaises, vous retrouverez alors les références de chez LEE filters pour les gélatines et correcteurs de couleurs. Et l’on retrouvera ROSCO pour tous les diffuseurs.
Une gélatine, un diffuseur, ok… mais comment ça marche ?
Les gélatines sont donc des feuilles colorées. Elles permettent de donner une couleur au faisceau de nos projecteurs. Cela grâce à la synthèse soustractive. Je vous replonge deux minutes dans vos cours d’optique et de colorimétrie du collège. Il y a deux manières d’obtenir de la couleur en lumière : la synthèse additive et la soustractive.
La synthèse additive est simple, elle consiste à additionner des couleurs, c’est ce que l’on voit avec la LED notamment. Lorsqu’un projecteur nous propose un RVB (Rouge, Vert et Bleu) ou RGB (Red, Green et Blue) chaque couleur est indépendante. C’est en les mélangeant ensemble que l’on obtient toutes les couleurs du spectre lumineux jusqu’au blanc.
La synthèse soustractive est un peu plus complexe à comprendre. On part d’une lumière blanche, c’est-à-dire qui comporte toutes les couleurs du spectre. Et on va lui appliquer un filtre, qui ne laissera passer que certaines couleurs, colorant de ce fait notre faisceau lumineux. Le reste des couleurs étant retenu par la gélatine. On vient donc soustraire certain rayon de la lumière blanche pour ne garder que ceux qui nous donnerons la couleur voulue.
Les diffuseurs quant à eux n’altèrent pas la couleur du faisceau, mais sa direction. En repensant à la suite de vos cours d’optique, vous vous souvenez peut-être que la lumière est déviée quand elle traverse certaines matières (l’eau, le verre…). Le diffuseur fait également partie de ce type de matière. En fonctions de celui choisi, le faisceau lumineux sera plus ou moins diffracté.
Comment préparer et utiliser une gélatine ?
Presque tous les projecteurs traditionnels sont équipés d’une glissière à l’avant. C’est l’emplacement où l’on va insérer le porte-filtre. Celui-ci est un double cadre en métal ou carton ajouré en son centre. Il est relié par un côté et permet de maintenir les gélatines sur le projecteur. Ils sont par contre de tailles différentes, parfois pour un même type de projecteur, mais de fabricants différents.
Pour équiper un projecteur d’une gélatine ou d’un diffuseur, il faudra donc un format adapté au bon porte-filtre. C’est pourquoi les filtres sont vendus en grand rouleau (d’environ 7 x 1,2 mètre) afin d’être découpées en fonction des besoins.
Préparer ses gélatines
Cela est souvent une étape fastidieuse de la préparation d’un spectacle. On peut très vite perdre du temps sur un montage si l’on doit découper 15 références, en 3 formats différents, le tout en 3, 5, ou 10 exemplaires…. On les prépare donc régulièrement en amont du montage. C’est d’ailleurs une chose demandée dans de nombreuses fiches techniques.
C’est généralement aux salles d’accueil de fournir la plupart des filtres. Elle possède tout un stock plus ou moins important des références les plus classiques. Étant réutilisables, les salles pourront s’en servir sur plusieurs spectacles d’affilée. Par contre, les compagnies sont susceptibles d’apporter les références moins communes, ou très chère. Mais cela peut être un point de négociation entre régisseurs d’accueil et de compagnie.
Installer les gélatines
Les gélatines dépendent donc des besoins du spectacle. Si certains projecteurs n’ont aucun filtres d’équipé, on dira alors qu’ils sont laissés en « White ». Ceux équipés pourront l’être de gélatine seul, de diffuseur seul ou bien des deux réunis. Dans ce genre de cas, l’ordre d’équipement à peu d’importance. Cependant, vous croiserez certaines personnes qui vous expliqueront qu’il préfère avoir la gélatine avant le diffuseur en s’appuyant sur certains principes optiques… mais honnetement, à moins de dissocier la gélatine et le diffuseur dans deux porte-filtres différents (chose que vous ne verrez presque jamais) cela ne changera strictement RIEN. Les deux étant collées l’un à l’autre, la diffraction du diffuseur n’opère pas assez vite pour perdre en intensité sur la gélatine. Et cela ne protège pas non plus le diffuseur de la chaleur.
Résistant et réutilisable, oui… mais pas pour toujours !
Les gélatines sont, comme nous l’avons vu, résistant à la chaleur, mais jusqu’à un certain point. Cela reste un « consommable » dans le spectacle : les couleurs retenues par la gélatine sont converties en chaleur, qui finira par la détériorer. Il faut savoir que plus la couleur de la gélatine est foncée, plus la quantité de lumière retenue est importante. Cela fera chauffer d’autant plus vite le filtre, et le brûlera plus rapidement.
Il est donc nécessaire de vérifier l’état des gélatines lors de leurs préparations. Cela évite une perte de temps aux réglages si une gélatine nécessite d’être changée. Pour cela, placez-les sur une surface blanche ou regardez une source lumineuse à travers elle. Il faut que la teinte soit unie, qu’elle ne gondole pas et ne soit pas trouée. Sinon, elle est bonne à jeter. Vérifier également que le flou n’est pas déformé pour un diffuseur.
Petit point écologique : les gélatines sont recyclables, jetez les donc dans une poubelle dédiée ! Vous pouvez aussi vérifier si un plus petit format peut être taillé dans une gélatine partiellement abîmée.
Gagnez du temps : soyez organisé !
Lorsque l’on gère une salle de spectacle, il est essentiel de posséder une bonne organisation dans ses gélatines. Tout le monde vous en remerciera : les intermittents, les régisseurs que vous accueillez ainsi que vous-même !
Les filtres étant reçus en rouleau, avoir un espace dédié pour la coupe des différents formats est essentiels. Une table de découpe idéale comporte également des marquages correspondant aux différentes tailles possibles. Cela facilite le travail en évitant de devoir mesurer son format à chaque découpe.
Pour le rangement, la seule bonne classification est par ordre numéraire. Chaque couleur de gélatine porte un numéro, sa référence, mais qui ne correspond pas à l’ordre chromatique. Par exemple, le L124 est un vert, et le L126 un mauve. Il est donc plus visuel et pratique de chercher un numéro plutôt qu’une nuance de couleurs bien particulières. Ce rangement peut se faire de plusieurs manières : pochettes, classeurs, armoire à tiroirs, … Il faut faire en fonction de vos moyens et de la place disponible. Les classer aussi en fonction de leurs tailles est un moyen supplémentaire de gagner du temps.
Également, lorsque l’on prépare les gélatines d’un spectacle, il existe plusieurs méthodes. Préparer les gélatines par couleurs et par format, avec les diffuseurs associés ou à part… Chacun y va à sa manière. Mon conseil personnel est de préparer les gélatines avec leurs diffuseurs directement dans leurs porte-filtres. Le tout dans une boîte comportant des séparateurs par position du projecteur sur scène (face, perche 1, perche 2, sol, …) et chacun classer de jardin à cour. Vous gagnerez ainsi du temps au montage et il n’y aura pas de mélange dans l’équipement des gélatines.
Les références de gélatines à connaître
Il existe plusieurs centaines de références de gélatines. Fort heureusement, il n’est pas utile de tous les apprendre par cœur. Il est par contre important de connaître les couleurs primaires, les correcteurs de température et les diffuseurs les plus utilisés. Il existe également quelques feuilles spéciales régulièrement utilisées.
Pour les reconnaître, on écrit toujours leurs numéros de référence dans un coin de la gélatine. On le fait à l’aide d’un marqueur spécifique. Les références précédées d’un « L » proviennent de la bibliothèque LEE filters, et celle précédée d’un « # » ou d’un « R » de chez ROSCO.
Les couleurs
Les couleurs primaires sont le rouge, le vert et le bleu. Je vous donne également les couleurs secondaires qui sont le cyan, le jaune et le magenta qui peuvent être intéressant à connaître.
Correcteur de température
Les correcteurs de température sont des gélatines un peu à part et souvent utilisées. En lumière, outre les couleurs, on distingue différents blancs. On parle alors de température de couleur, avec des blancs froid et des blancs chaud. Les correcteurs permettent donc de corriger la température de la lampe. On distingue les CTB (correcteurs de température bleue) pour « refroidir » et les CTO (correcteurs de température orange) pour « réchauffer ».
Les CTO :
Les CTB :
Les quatre bleus les plus importants à retenir sont le 200, 201, 202 et 203, car ce sont les plus utiliser. Il existe aussi un substitué à ces CTB, préférer par beaucoup depuis plusieurs années. Il s’agit des New CTB, qui offrent une meilleure chaleur au teint de la peau. On peut facilement les retenir une fois que l’on connaît ses classiques, puisqu’il suffit de passer la centaine à 500. Nous avons donc les références suivantes :
Diffuseurs
Appelé aussi « dépoli » ou « frost », les diffuseurs permettent « d’éclater » le faisceau lumineux. Bien évidemment, si l’on recherche un rendu net du faisceau, on ne les utilisera pas. Ils peuvent servir à plusieurs applications. Par exemple, si l’on souhaite que la tâche lumineuse de plusieurs projecteurs se « mélange » harmonieusement. Ou bien si l’on veut un dégradé d’intensité sur une source.
Les principales références à connaître sont les suivantes (par ordre croissant de diffusion). Il existe aussi une référence qui permet de « sculpter » le faisceau, en l’étirant dans une seule direction à la fois, Le #104. On l’appelle aussi « striée » en raison des lignes visibles sur le filtre. Attention à son sens, la lumière sera étirée dans le sens inverse des lignes (voir l’exemple sur les photos ci-dessous) :
Les “spéciaux”
Il existe deux références supplémentaires à connaître, mais dont l’usage est réservé à certaines situations. Ce ne sont pas à proprement parler des gélatines ou des diffuseurs, mais ils remplissent également un rôle dans la maîtrise du faisceau lumineux. Étant, eux aussi, sous forme de feuille, vous les retrouverez ranger dans le même local que les filtres.
Le black wrap
Aussi appelé « black foil » il s’agit de feuille d’aluminium noir épaisse. on peut la plier dans une forme voulue et la fixer sur un projecteur. Cela peut, par exemple, couper un faisceau ou cacher une fuite lumineuse.
Le Heat shield
Il s’agit, comme son nom l’indique, d’un bouclier thermique. Sa fonction est de protéger d’autre gélatine de la chaleur, leur offrant une longévité bien plus importante. On l’utilise régulièrement sur des sources très puissantes, comme un 5 kW (voir mon article sur les PC). Ou bien lors de l’utilisation de gélatines très foncée, comme les bleus. Pour l’utiliser, il faut par contre l’équiper dans un porte-filtres séparés. Afin que l’air puisse circuler des deux côtés et évacuer la chaleur. Il s’agit d’un filtre transparent de référence L269 chez LEE filters.
Équivalence des gélatines
Il peut souvent se poser le problème d’un manque de certaines références. Trouver des équivalences parfaites peut alors être complexe. Mais cela peut être possible en associant plusieurs gélatines. Les CTO et CTB sont les références les plus faciles à combiner vu qu’il s’agit de division d’intensité. Par exemple, on pourrait associer deux L 202 (half « demi » CTB) pour obtenir l’équivalent d’un L 201 (full CTB), 2 x 0,5 = 1, tout simplement.
Pour les autres références, des associations ne sont pas toujours possibles, mais je vous conseille de télécharger l’application « Lee Swatch » de chez LEE filtrer. Vous pourrez ainsi rechercher votre référence et consulter les coloris les plus proches de votre gélatine rapidement.
Il reste cependant rare de cumuler plusieurs gélatines de couleurs pour un même projecteur. Une création lumière, correctement finie, se doit d’épurer le superflu et de ne pas accumuler inutilement des gélatines. Il s’en dégagerait un certain amateurisme qui pourrait nuire à la qualité de votre accueil.
Conclusion
Les gélatines sont un équipement incontournable en lumière et que vous retrouverez dans toutes les salles de spectacle. Même avec l’avènement des projecteurs LED, ils sont nombreux à ne proposer qu’un blanc classique. ils nécessitent donc toujours des gélatines.
La qualité colorimétrique de certains projecteurs RGB étant également mauvaise. Il est parfois difficile de reproduire certaines teintes, les gélatines sont alors préférées. Il serait donc dommage de ne pas apprendre à s’en servir.
En tant que technicien ou régisseur intermittent, c’est également un domaine où il est facile de se faire bien voir par les régisseurs de salle : respecter leur organisation, ranger le local à gélatine (local à gélat’ comme on dit) et notez les références lorsque vous découpez des filtres.
Croyez-moi, ils sont dans ce lieu toute l’année, et ils seront sensibles à ce genre de détails. À efficacité de travail égal, ils préféreront rappeler celui qui ne leur a pas laissé deux heures de rangements le lendemain du spectacle…
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